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« Mon premier jour en tant que prof a été le plus terrifiant de toute ma vie. » Interview de Jean-Philippe Cabaroc designer graphique et directeur artistique.

Conception du site internet Cervoo par JP Cabaroc

Nous accueillons cette semaine Jean-Philippe Cabaroc designer graphique, directeur artistique, illustrateur, enseignant et conférencier… pour un entretien dans lequel il évoque son parcours, son quotidien et sa vision du métier.

Bonjour, Jean-Philippe, et merci d’avoir accepté de répondre à quelques questions pour Printoblog. Tout d’abord, pourriez-vous nous décrire votre parcours professionnel ? Qu’est-ce qui vous a amené au métier de designer graphique et directeur artistique ?

Depuis tout petit je dessine, et ado j’ai commencé à m’intéresser à la BD, j’aimais raconter des histoires et le dessin est un formidable outil pour ça.

L’envie de devenir designer graphique est venue plus tard. Un peu par défaut, j’ai commencé mes études à la Fac d’Arts plastiques d’Aix-en-Provence, mais je n’étais pas vraiment passionné par la formation, sauf pour une petite option de deux heures par semaine qui s’appelait communication visuelle. C’était un cours annexe de sensibilisation au graphisme.

Bizarrement dans ce cours, le temps passait beaucoup plus vite, je me sentais dans mon élément. Et puis un jour, j’ai fait une rencontre décisive lors d’une soirée entre amis à Marseille. On m’a présenté quelqu’un qui faisait un BTS de graphisme, il m’a montré son travail : typographie, logo, affiches…ça a été une révélation. C’était exactement ce que je voulais faire.

J’étais vraiment passionné par la BD, mais je crois que j’étais plus fait pour me mettre au service d’un client. Être la « voix » de quelqu’un d’autre me semblait plus stimulant.

 

Conception du site internet Cervoo par JP Cabaroc

 

En quoi consiste votre activité au quotidien ? Avez-vous une journée type ?

Comme pour la plupart des indépendants, mes journées s’articulent entre les moments de création (la production), de gestions de projet et l’administratif, auxquels s’ajoute la prospection, qui dans mon cas est indirecte via le partage de mon travail ou l’entretien de mon réseau.

Dans le cadre d’un projet, la première phase est la rencontre avec un client qui a un besoin spécifique. Il me soumet une demande, et si nous acceptons de travailler ensemble, je peux commencer ma mission.

On pourrait croire que je passe le plus clair de mon temps à créer des visuels, mais les phases de recherche et la réflexion prennent une grande place. Je ne présente que très rarement plusieurs propositions à mes clients, il faut donc que je sois sûr de mes choix. Et pour ça, je glane beaucoup d’informations sur le projet.

Je ne néglige pas non plus la présentation du rendu qui est presque aussi important que la création elle-même. C’est dans ce moment qu’on donne du sens à son travail. Et le design graphique, c’est avant tout du sens traduit en image.

 

packaging ferme vieux poirier par JP Cabaroc

 

Vous êtes à la fois D.A et illustrateur. Vous intervenez également en tant que conférencier et enseignant dans des écoles de design. Quelle est la partie de votre métier qui vous plait le plus et pourquoi ? Est-ce que la transmission est pour vous une part essentielle de votre métier ?

Lorsque je me suis lancé en indépendant, en 2010, après plusieurs années en tant que directeur artistique en agence, j’ai donné des cours à l’École de design Bellecour à Lyon.

Mon premier jour en tant que prof a été le plus terrifiant de toute ma vie. Je ne savais pas si j’étais légitime, si je pouvais apprendre quelque chose de pertinent à mes élèves. Et parler en public devant des jeunes (qui en moyenne devait avoir seulement neuf ans de moins que moi) était intimidant. Mais, ma peur a disparu au bout de quinze minutes après être rentré en classe, quand j’ai vu que mon expérience professionnelle était quelque chose d’important pour eux qui étaient plein de questions sur leur futur métier.

J’ai par la suite donné des conférences dans différents événements professionnels. Transmettre mes connaissances m’apporte beaucoup en tant que personne et en tant que professionnel. Ça me permet de créer du lien autour d’une passion commune, d’apprendre moi-même des choses, de diffuser une certaine vision de mon métier et de manière plus pratique, ça permet de prendre du recul sur son travail et de mieux organiser ses pensées.

 

portrait de JP Cabaroc

 

Vous n’hésitez pas à montrer les étapes de vos processus créatifs sur les réseaux sociaux en publiant notamment vos crayonnés. Êtes-vous aussi transparent dans les échanges avec vos clients ? Est-ce un plus pour mener à bien vos différents projets ?

Je fais en sorte de montrer mon processus de création à chacun de mes clients. Je pense que c’est important qu’il sache comment son logo, son site ou son illustration ont été conçus, parce qu’il peut comprendre en quoi son identité est présente dans la réalisation finale, que les choix de conception ont été faits en fonction de sa problématique.

Par conséquent, ça l’accompagne dans l’acceptation de la proposition. Il a les clés pour juger de manière juste. Et ses retours seront pertinents.

Souvent, les retours clients améliorent mon travail. Et puis, ce n’est pas évident pour un non spécialiste de savoir si un design est le bon. Contrairement à ce qu’on peut croire, un bon design ne saute pas forcément aux yeux, il faut souvent en faire l’expérience, voir comment il vit avec le temps.

Si le logo de Nike était réalisé aujourd’hui, qui parierait sur sa longévité ?

Logo Octopulse par JP Cabaroc

Avez-vous des influences, des artistes référents ? Si oui, pouvez-vous en citer quelques-uns ?

Je pourrais en citer mille. Il y a énormément de gens dont j’admire le travail et j’en découvre toutes les semaines. Bien que j’inscrive mon travail dans le domaine du design graphique, c’est parmi les illustrateurs que se porte mon regard.

Parmi mes contemporains, je suis fasciné par la maîtrise des contrastes et le minimalisme de Mailka Favre, l’esthétique ludique de Guillaume Kurkidjian, les harmonies de couleurs sublimes de Tom Haugomat.

J’adore aussi en ce moment le travail de Robin Davey, qui arrive à donner du style à ses personnages avec très peu de formes.

 

Magazine Terra Incognita par JP Cabaroc

 

Quels conseils pourriez-vous donner à de futurs designers graphiques ou débutants ?

Faire, se tromper, refaire, et recommencer.

Pouvez-vous nous parler de vos projets en cours ?

Ça fait maintenant la deuxième année que je réalise l’affiche du festival Country The Green Escape. L’idée est de complètement casser l’image désuète associée à cette musique qui est beaucoup plus riche qu’il n’y paraît.

J’ai adoré ce défi, arriver dans un monde très codifié et lui apporter un angle de vue différent.

 

affiche The Green Escape par JP Cabroc

 

J’ai également réalisé l’identité visuelle et le site d’un podcast qui donne la parole aux femmes créatives, un projet passionnant qui s’appelle Girls.

Dans les jours qui viennent, devrait sortir le site internet d’une startup réalisé en collaboration avec Antony Legrand et Akaru, pour lequel j’ai réalisé des illustrations assez décalées dans un monde aquatique, avec une pieuvre pour guide.