Print&rview

L’art de coucher sur papier l’état dépressif : Entretien avec Sow Ay

Ou comment le dessin peut devenir une démarche salutaire. Souffrant de troubles dépressifs, crises de panique et anxiété, le jeune et talentueux dessinateur s’est lancé dans le dessin pour exprimer sa fragilité et faire prendre conscience à ses proches des mécanismes de la dépression. Non sans humour.

Bonjour Sow, pouvez-vous nous dire comment est née votre envie de dessiner  ?

Je dirais simplement que le dessin m’a accompagné au fur et à mesure des années. Enfant, je prenais modèle sur les Astérix et Tintin de la bibliothèque de mes grands-parents. À partir du collège, j’ai réalisé que c’était un bon moyen de m’exprimer, moi qui suis d’une timidité maladive, et de faire rire mes amis. J’ai créé mon blog BD au lycée dans le but de faire rire un peu plus de personnes. Après le lycée, j’ai cumulé les refus en école d’art et de dessin. C’est là que mes dessins sont devenus moins drôle. Je dirais qu’à cette période, ma motivation et mes influences étaient principalement des musiciens ou artistes autodidactes qui me montraient que, malgré tout, on pouvait y arriver.

 

« J’admire les personnes pour lesquelles les mots viennent naturellement. »

 

Dans quelle(s) mesure(s) le dessin se révèle être pour vous un procédé cathartique ?

Je suis une personne très réservée et m’exprimer à l’oral m’est extrêmement difficile, sans doute à cause d’un des troubles de l’apprentissage nommé dysphasie. J’admire les personnes pour lesquelles les mots viennent naturellement. Le dessin est pour moi un moyen de ranger et vider mon cerveau. J’ai toujours beaucoup de mal à me comprendre moi-même, donc j’essaie de l’exprimer en dessin. Quand les troubles mentaux sont entrés dans ma vie, le dessin était le meilleur moyen d’exprimer ce que j’avais en tête. Une fois le dessin sur papier, je peux commencer à chercher des mots ou nom de symptômes à placer dessus. « Phobie sociale », « dépression », « trouble panique ». En fait, je dessinais depuis des années sur ces sujets sans le savoir.

 

Comment aidez-vous les personnes malades grâce à votre coup de crayon ?

Initialement, les dessins devaient m’aider à me vider l’esprit et à me faire comprendre de mes proches. Et de ma psy. À la première séance, je lui ai dit d’aller sur mon blog. Depuis, elle en parle à beaucoup à ses patients, car elle voit en mes dessins un excellent outil thérapeutique. Elle a même des tirages dans son bureau.
La magie d’Internet a aussi opéré. J’ai reçu de nombreux messages de personnes se sentant soutenues et moins seules. La solitude et l’incompréhension sont sans doute la partie la plus difficile à gérer. Pouvoir aider ces personnes est devenu ma plus grande fierté.

 

Avez-vous des sujets que vous aimeriez traiter après celui de la maladie mentale ?

Ces derniers temps, j’ai commencé à vouloir aborder le thème du suicide. Ce n’est pas simple du tout à aborder et ça vise des personnes extrêmement sensibles donc cela ajoute à mon envie de les aider.
Je pense que ce sujet restera dans mes créations puisque c’est une grosse partie de ma vie. Sinon, j’adore dessiner sur les thèmes de la musique et de la pop-culture. Ces 3 thèmes ouvrent déjà pas mal de possibilités et j’ai déjà plusieurs petites histoires en projet.

 

Quelle importance a la musique dans votre création et dans votre vie quotidienne ? Quel film vous marque particulièrement ? Une série dans laquelle vous vous retrouvez ? 

La musique passe sans doute avant le dessin pour moi. La musique a toujours été un immense soutien, tout ce qu’il s’est passé dans ma vie avait de la musique en fond.
Enfant, je disais à tout le monde que je ferai de la batterie. Les autres rigolaient mais maintenant, jouer de la batterie est le seul moment pendant lequel il n’y a pas d’anxiété. Il y a juste… du bruit ! Je joue avec mes amis depuis le lycée et chaque répet’ ou concert sont des moments que j’adore. Après mes années bac, c’est la musique qui m’a donné envie de poursuivre.
« Best, you’ve got to be the best« , ces mots issus du morceau Butterflies & Hurricanes de Muse avaient été chez moi une sorte de déclic. Autre déclic, leur concert en 2012. C’était tellement énorme et la déprime post-concert était tellement puissante que j’ai créé ma boutique de t-shirt en ligne. De là, j’ai commencé plein de projets en me disant que, moi aussi, je voulais faire des choses énormes.
Côté film, j’ai beaucoup aimé « La vie rêvée de Walter Mitty« , qui donne le sourire, un élan de motivation et possède une superbe BO.
Niveau série, je pense à Mr.Robot, le travail sur l’aspect psychologique du personnage principal est incroyable. Vivement octobre pour la saison 3 !

 

Quel avenir a, selon vous, le format papier et quelles sont ses chances contre le format web ?

Je pense que le print restera présent. Le format papier a toujours une place importante dans notre société, malgré la montée en puissance des formats numériques. Beaucoup de personnes préfèrent le toucher et l’expérience physique du format papier au travers d’imprimés tels qu’un flyer, une carte de visite, une brochure ou une affiche publicitaire. Les gens aiment toujours avoir les objets qui deviennent justement de plus en plus beau. On voit de magnifiques couvertures de livres, pochettes de vinyles, etc. Je commande souvent les packs d’albums de mes groupes préférés alors que je pourrais me contenter de mon Spotify Premium. J’adore mettre des posters à mes murs. Et puis, certes, une liseuse est pratique, mais c’est carrément moins classe que de belles étagères pleines de livres.

 


 

Vous pouvez retrouver les nombreux dessins de Sow Ay sur son Tumblr.

 

Comments (1)

  1. c’est tellement ça!!! ces dessins résument à eux seuls ce qui ne peut être nommé…
    je me sens comprise, merci!

Comments are closed.