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« La liberté d’expression n’inclut en aucun cas la haine » : Entretien avec Maeril

Cette semaine nous sommes allés à la rencontre de la dessinatrice et activiste Maeril. Passionnée de dessin depuis son plus jeune age, cette militante attaque à coups de crayons des problèmes sociétaux divers (racisme ordinaire, condition féminine, injustices sociales, etc.) en essayant de rester toujours pédagogue pour ne pas tomber dans le moralisme.

Bonjour Maeril, pouvez-vous me parler de vous, de votre parcours et de ce qui vous a amené vers le dessin ?

Je dessine depuis mon plus jeune âge, car ma mère dessinait beaucoup et cela m’a inspiré. Je suis passée par deux écoles, une de beaux-arts et une de direction artistique/communication.
À l’origine, je voulais être médecin, mais j’ai fini par réaliser que ce qui m’interessait, à savoir aider autrui, pouvait aussi être fait à travers la création visuelle ! 

Cependant j’aime aussi dessiner des scènes autour de la vie quotidienne – avec un soupçon d’extraordinaire – ou encore en m’inspirant de la mode.

 

Vous avez publié sur Facebook pendant 10 semaines vos histoires « ordinaires », d’où vous est venue l’idée ? Quels étaient les prémices de cette initiative ? Quels ont été les enseignements que vous tirez de ce projet ? Quel a été le retour de votre communauté ?

L’idée était de proposer un aperçu du racisme en France aujourd’hui, de démontrer son caractère systémique et « ordinaire », malheureusement, pour ceux qui le subissent, d’où le titre. C’est tout simplement le fait de constater les dégâts qui m’a donné envie de faire quelque chose.
Je vulgarise pas mal dans mes travaux militants, car j’estime que le gros de l’opposition aux notions antiracistes actuelles provient de malentendus.
Les retours ont été très majoritairement positifs: « maintenant que je vois les choses sous cet angle, je comprends » est un commentaire qui est beaucoup revenu et cela m’a fait très plaisir.

On sent que votre œuvre est influencée par une / plusieurs expérience(s) personnelle(s) : pouvez-vous nous en parler plus en détail ?

Houlà, il y en a beaucoup en effet ! En fait, c’est parce qu’à chaque fois que je sors d’une « épreuve » de la vie, je me fais un petit débrief pour savoir ce qui m’a aidé. Et donc forcément j’ai envie de le partager avec autrui ! J’ai eu un parcours de vie assez atypique, car je suis autiste et j’ai été diagnostiquée sur le tard. C’est ce qui me pousse, je pense, à chercher à accomoder les autres, car j’ai moi-même eu beaucoup de difficultés à comprendre et à m’adapter à la société dans laquelle je vis!


Choisissez et commentez une actualité de 2017.

Je reste très choquée par les évènements de Charlottesville, mais malheureusement pas étonnée. Le fait que le colonialisme, l’esclavage et l’apartheid puissent être considérés comme « patrimoine » de ceux qui en ont profité, c’est-à-dire les personnes blanches, et que cela puisse tomber sous la dénomination de « liberté d’expression » au point d’autoriser un tel rassemblement, est selon moi la racine du mal. La liberté d’expression n’inclut en aucun cas la haine.
J’aimerais aussi rappeler que nous ne sommes pas « mieux » en France : à Lyon, la police a il y a peu défendu un bar néonazi, et il y a seulement quelques jours, un autre bar basé sur la « nostalgie de l’époque coloniale, où l’on savait recevoir » a du être rappelé à l’ordre. Cela me sidère et l’ignorance, quand on crée tout un projet autour d’une période de l’histoire très douloureuse pour un groupe ethnique, n’est pas une excuse : on se doit de s’éduquer, se renseigner, et de changer de thème s’il est problématique. C’est le B-A-BA, non? Un tel manque de considération pour l’histoire d’autrui alors qu’on se l’approprie à des fins financières, c’est une honte.

Quelles sont vos influences ? (Musique / Cinéma / Dessin / Littérature / etc.) Avec qui aimeriez-vous collaborer actuellement ? En tant qu’artiste engagée, votre activisme est-il un carburant pour votre création ?

Ah, j’aime beaucoup cette question! Niveau musique, j’aime autant l’électro (Porter Robinson) que le nu-metal (Linkin Park), en passant par le jazz (Diana Krall) et le rap old-school  (Public Enemy). J’aimerais beaucoup collaborer avec Porter Robinson, c’est un de mes rêves.

Pour ce qui est du cinéma, j’ai un faible pour l’univers et le storytelling de Wes Anderson, mais mes deux films préférés sont Contact (celui de 1997 par Robert Zemeckis), et Cloud Atlas (des soeurs Wachowski). Ma série préférée est Mr Robot.

Mes influences pour le dessin passent par beaucoup de personnes: mon illustratrice préférée est Tiffany Ford, j’aime aussi le travail de Christoph Niemann, ou encore Pascal Campion. L’univers de l’animation japonaise m’inspire aussi beaucoup, en particulier les séries des studios Trigger et Madhouse.

Enfin pour la littérature, j’adore les livres de Haruki Murakami, et les univers surréalistes dans lesquels il embarque le lecteur.

Quels sont vos projets pour 2017 / 2018 ? 

J’ai vocation à continuer l’illustration et la direction artistique, avec une préférence (non-exhaustive) pour l’éditorial et, peut-être, le concept art pour l’animation.
À côté, je continue de peaufiner plusieurs projets BD qui, je l’espère, trouveront la maison d’édition qui leur convient !

Pour voir plus d’illustrations de Maeril vous pouvez vous rendre sur son blog  ou sur son compte Instagram.